Cabinet Lhuillier

cabinet Lhuillier

Deux escaliers factices bâtis au milieu de cette salle servaient en fait de présentoir pour exposer des échantillons de roches, des collections de minéraux, d’ossements ainsi que des échantillons des couches géologique issues du Lutécien et que des visiteurs venaient voir dès le XIXème siècle. En dépit du passage et des dégradations, ils se dressent encore là, deux siècles plus tard.

Mais ces fameux cabinets minéralogiques n’étaient ni plus ni moins qu’une variante souterraine et parisienne des cabinets de curiosités très à la mode dans les grandes demeures de l’époque.

Au début du XIXème siècle, alors que les travaux de consolidation des anciennes carrières souterraines de Paris battent leur plein, l’inspecteur général des carrières Louis-Etienne Héricart de Thury a l’idée de créer des cabinets de curiosités spécifiques aux souterrains de la capitale.

Ces cabinets minéralogiques seront construits avec un soin particulier, bien qu’ils soient dépourvus d’utilité pratique du point de vue des travaux de consolidation menés en carrière. Ces cabinets symbolisent un certain souci du savoir et des sciences qu’ils montrent d’une façon théâtrale et volontiers néoclassique.

Au total, 7 cabinets minéralogiques de ce type seront ainsi aménagés dans les anciens vides de carrière sous Paris.

Un visiteur des Catacombes de Paris, au XIXème siècle, décrivit ainsi ces cabinets : “…notre conducteur venait d’ouvrir avec effort la porte du caveau géologique destiné à conserver des échantillons de toute espèce de minéraux que renferme le sol où sont creusées ces carrières. Cette salle conduit à une autre, où l’on a pris soin de rassembler, de classer, d’étiqueter avec ordre toutes les monstruosités ostéologiques, dont quelques-unes attestent en même temps les aberrations de la nature et les efforts de l’art pour venir à son secours. C’est à M. Héricart de Thury, ingénieur en chef au corps impérial des mines, que l’on est redevable de ces deux cabinets souterrains, et des améliorations de toute espèce qui ont eu lieu depuis quelques années dans les catacombes. Pendant que j’observais les pièces d’anatomie, Mme de Sesanne était restée à quelque distance de moi, appuyée sur un autel antique formé tout entier de débris humains. Cet ouvrage, et plusieurs autres du même genre, font honneur au talent et au goût de M. Gambier, qui a présidé à l’arrangement de ces lugubres matériaux.”

Cariatide

cariatide

« L’histoire lui fournit la matière de la plupart des ornements d’architecture, dont il doit savoir rendre raison ; par exemple, si sous les mutules et les corniches, au lieu de colonnes, il met des statues de marbre en forme de femmes honnêtement vêtues que l’on appelle cariatides, il pourra apprendre à ceux qui ignorent pourquoi cela se fait ainsi, que les habitants de Carie, qui est une ville de Péloponnèse, se joignirent autrefois avec les Perses, qui faisaient la guerre aux autres peuples de la Grèce, et que les Grecs, ayant par leurs victoires glorieusement mis fin à cette guerre, la déclarèrent ensuite aux Cariates ; que leur ville ayant été prise et ruinée, et tous les hommes mis au fil de l’épée, les femmes furent emmenées captives, et que, pour les traiter avec le plus d’ignominie, on ne permit pas aux dames de quitter leurs robes accoutumées ni aucun de leurs ornements, afin que non-seulement elles fussent une fois menées en triomphe, mais qu’elles eussent la honte de s’y voir en quelque façon menées toute leur vie, paraissant toujours au même état qu’elles étaient le jour du triomphe, et qu’ainsi elles portassent la peine que leur ville avait méritée ; or, pour laisser un exemple éternel de la punition que l’on avait fait souffrir aux Cariates, et pour apprendre à la postérité quel avait été leur châtiment, les architectes de ce temps-là mirent, au lieu de colonnes, ces sortes de statues aux édifices publics. »

Perrault, Vitruve, I, 1

Cathédrale de Rouen

cathedrale

« Amis ! c’est donc Rouen, la ville aux vieilles rues,
Aux vieilles tours, débris des races disparues
La ville aux cent clochers carillonnant dans l’air
Le Rouen des châteaux, des hôtels, des bastilles
Dont le front hérissé de flèches et d’aiguilles
Déchire incessamment les brumes de la mer »

Victor Hugo, A mes amis L.B. et S.B., in Les Feuilles d’automne.

Escalier Mansart (Souterrain du Val-de-Grâce)

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Quelques part sous le Val-de-Grâce. Catacombes de Paris

Sous la grande cour du Val-de-Grâce se trouve l’escalier Mansart. Il s’agit en fait d’une ancienne descente en pente douce, condamnée à la suite d’un éboulement, puis aménagée en escalier au XVI ème siècle (escalier grandement remanié par l’ingénieur des carrières Charle-Axel Guillaumot en 1777). Bien qu’il n’ait pas été construit par Mansart lui-même, l’escalier a été baptisé ainsi en raison des consolidations que l’architecte avait fait édifier à proximité. Il est aujourd’hui classé monument historique. Cet escalier est unique en son genre car il s’agit d’un escalier droit or la plupart des escaliers reliant la surface aux carrières ont été construits en colimaçon, par commodité.

Fontaine des Chartreux

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Dans les catacombes de Paris, la fontaine des Chartreux.

La fontaine des Chartreux est l’un des nombreux monuments laissé par l’inspectorat de Louis-Etienne Héricart de Thury. Construite en 1811, elle est composé d’un bassin auquel on accède par un escalier massif menant à son extrémité à un puisard muni d’une très belle échelle d’étiage qui servait à mesurer le niveau de la nappe phréatique. A l’occasion de travaux menés en 2004, près de deux tonnes de boue ont été retirées pour curer ce puits, le sol et les marches de l’escalier.

Eglise du Val-de-Grâce

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Façade et coupole de l’église du Val-de-Grâce, rue Saint-Jacques, Paris 5 ème. Feutre noir sur papier.

Après 23 ans de mariage avec le roi Louis XIII, La reine Anne d’Autriche met enfin au monde le petit Louis Dieudonné, futur Louis XIV. Ce dernier voit le jour en 1638 au château de Saint-Germain en Laye, la reine ne sera finalement pas répudiée. Anne d’Autriche va également pouvoir tenir la promesse qu’elle avait faite à Dieu de faire édifier une église monumentale si celui-ci lui envoyait l’héritier tant attendu.

Ainsi, en 1645, Anne d’Autriche mande l’architecte François Mansart pour ajouter une église et un palais au couvent du Val-de-Grâce qu’elle fréquentait régulièrement. Les travaux prirent fin en 1669 après un long retard dû aux travaux de consolidations des anciens vides de carrière qui sous-minaient les lieux.

Il en résulte un ensemble de style baroque d’une beauté exceptionnelle, doté d’un cloître bas surmonté d’un cloître haut, reste un élément rare du patrimoine architectural français.

Le chœur des religieuses, l’escalier de la reine, la chapelle royale avec son baldaquin de 19 mètres de haut et sa coupole entièrement peinte en fresques par le célèbre Pierre Mignard, l’Oratoire de la reine, la chapelle de la communion et ses peintures réalisées par Philippe de Champaigne, l’apothicairerie des Invalides et sa riche collection de pots à onguents, albarellis et chevrettes, sont autant de splendeurs qui ne manqueront pas d’émerveiller l’œil du visiteurs.

En 1790, l’église du Val-de-Grâce connut le sort des autres églises parisiennes : elle fut fermée, le mobilier saisi, l’orgue fut démoli et le maître-autel démonté. Heureusement, l’église fut conservée comme monument d’architecture, tandis que l’abbaye fut dévolue au service de santé pour en faire un hôpital militaire. L’église et l’abbaye furent ainsi sauvées de la destruction, ce qui ne fut pas le cas de plusieurs couvents situés aux alentours, notamment ceux des Ursulines et des Feuillantines. La splendeur architecturale de l’église du Val-de-Grâce avait pu faire taire la haine et la furie de la raie-publique naissante l’espace d’un instant.

Charles-Axel Guillaumot (1730-1807)

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Charles-Axel Guillaumot, architecte du roi Louis XVI, est né à Stockholm de parents français.

A la fin du XVIIIe siècle, la ville de Paris fut en proie à une série d’effondrements se faisant sentir au niveau des anciennes carrières de calcaire qui sous-minaient de très nombreux quartiers de la ville et qui, depuis la fin de leur exploitation, étaient tombées dans l’oubli collectif.

Louis XVI prit alors conscience que Paris risquait de sombrer corps et bien, tel un retour de la cité dans ses propres entrailles.

Le 4 avril 1777, un service extraordinaire fut crée par ordonnance royale : « une Inspection des carrières sous Paris et plaines adjacentes » qu’on appellera plus simplement par la suite « l’Inspection Générale des Carrières » (IGC).

Mais la tâche de l’Inspection ne s’annonçait pas simple : remédier à ces effondrements à répétition en cartographiant les anciens vides de carrières abandonnés afin de les consolider. Un travail pharaonique, unique au monde et qui dépassait tout ce qu’on avait pu imaginer.

Il est à noter qu’on avait, dans un premier temps, fait appel aux services d’un jeune mathématicien, Antoine Dupont, dont les techniques et compétences n’avaient pas convaincues : ses travaux de consolidation se soldèrent par une nouvelle série d’effondrements.

On releva alors Antoine Dupont de ses fonctions pour le remplacer par l’architecte du roi, Charles-Axel Guillaumot. En matière de consolidations souterraines, ce dernier n’avait pas d’exemples auxquels se référer, il dut créer de novo des procédés de travaux qui n’avaient été entrepris nul part ailleurs.

Charles-Axel Guillaumot imagina un procédé de consolidation qui consistait à ériger, à l’aplomb des bâtiments sous-minés, des piliers et des murs de renfort pour leur servir de nouvelles fondations. Et comme dans les rues, les bâtiments de surface sont alignés les uns à côté des autres, il en fut de même pour ces maçonneries souterraines qui formèrent alors deux parois parallèles créant ainsi des galeries d’inspection cheminant sous les voies publiques.

Afin d’identifier chacune de ces consolidations, Charles-Axel Guillaumot imagina un système de numérotation trinômiale : « numéro d’ordre – initiale de l’inspecteur des carrières – année de réalisation ».

Premier titulaire du poste d’Inspecteur Général des Carrières, Charles-Axel Guillaumot mérite amplement son surnom de « sauveur de la capitale » et les parisiens lui doivent, encore aujourd’hui, une dette éternelle.

Cependant, l’honneur et l’hommage que mérite Charles-Axel Guillaumot ne lui ont toujours pas été rendus puisque, aujourd’hui encore, aucune voie publique de la capitale ne porte son nom ! La mairie socialiste actuelle préférant, par exemple, débaptiser le square du Temple en square Elie Wiesel… Sans commentaire.

Quant à l’IGC moderne, elle dilapide aujourd’hui l’argent du contribuable dans d’inutiles travaux d’injection de béton sous la pression des promoteurs immobiliers, entrainant peu à peu la disparition lente d’un patrimoine souterrain unique au monde, comme une insulte, un bras d’honneur aux exceptionnels travaux accomplis par Charles-Axel Guillaumot et ses successeurs sans oublier les milliers d’ouvriers carriers qui œuvrèrent sans relâche dans le ventre de Paris pendant 109 longues années.

 

Cabinet Lhuillier

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Cabinet Lhuillier. Feutre sur papier, catacombes de Paris (08/10/2016).

Edifié en 1811 par Lhuillier sous l’inspectorat de Louis-Etienne Héricart de Thury, presque entièrement remblayé au début du XXe siècle, ce cabinet minéralogique fut entièrement déblayé et restauré en 2005 par un groupe de cataphiles passionnés. Il est constitué de deux escaliers asymétriques de 19 et 22 marches. Sur ces marches étaient exposés des échantillons de roche, tandis que les contre-marches servaient à indiquer la couche géologique et la hauteur réelle de celle-ci.

La dernière pierre de l’escalier central porte l’inscription suivante : « De la surface de la Terre aux bancs de roche, 18 mètres (54 pieds). Bancs de pierre de cette carrière. »